09-05-2009
By Ka-set
Place des Nations (Genève, Suisse). Vien Thach, président de la
Fédération Khmer Kampuchea-Krom en Europe, co-organisateur de la manifestation de Khmers kroms venus du monde entier pour faire entendre leur voix © Laurent Le Gouanvic
Le ciel était acquis à la cause des Khmers kroms, en cette matinée du 8 mai, exceptionnellement ensoleillée à Genève (Suisse), avec juste ce qu'il fallait de vent pour faire claquer les étendards aux couleurs bleu-jaune-rouge du Kampuchea krom et les bannières revendiquant le "droit à l'auto-détermination", la "liberté de croyance, d'expression et de presse" et la fin des persécutions du Vietnam contre "le peuple autochtone khmer krom". Un temps idéal aussi pour étaler des nattes sur la place des Nations, juste en face du palais éponyme, et faire de cette manifestation un rassemblement bon enfant, avec distribution de noum pang (sandwichs) et spectacle de danses traditionnelles. Si certains déploraient le fait d'avoir dû partager l'immense place avec un autre groupe de manifestants, des Vietnamiens appelant eux aussi au respect des droits de l'Homme et à la liberté de culte au Vietnam, les co-organisateurs - le président américain de la Fédération Khmer Kampuchea-Krom (KKF) Thach Thach, son homologue pour la représentation européenne de la KKF Vien Tach, et les représentants de l'ONG UNPO (Organisation des nations et des peuples non représentés) se sont félicités d'avoir pu porter leur message sur cette scène internationale. Avant de se rendre au Palais des Nations, pour assister à l'audience du Vietnam devant le Conseil des droits de l'Homme, Vien Thach a expliqué à Ka-set ses attentes et le but de cette manifestation. Entretien.
Ka-set : Quelles sont les violations des droits de l'Homme des Khmers du Kampuchea krom que vous souhaitez dénoncer auprès des Nations unies ?
Vien Thach : Les grandes lignes sont les suivantes : premièrement, les persécutions contre le bouddhisme Théravada khmer [pratiqué par les Khmers du Kampuchea krom, au Cambodge, en Thaïlande et au Laos, notamment] ; secundo, la confiscation des terres des paysans khmers kroms ; et troisième thème, la falsification de l'histoire des Khmers kroms par le Vietnam. Notre but est de sensibiliser l'opinion internationale à ces questions et d'appuyer les ONG qui nous soutiennent, telles que Human Rights Watch dont le rapport de janvier 2009 sur le Vietnam traite très largement de cela.
K7 : Qu'entendez-vous par "falsification de l'histoire" ?
VT : Le gouvernement vietnamien refuse de reconnaître que nous sommes un peuple autochtone de ce territoire. Ils écrivent dans les textes officiels et les manuels que nous sommes des réfugiés, venus du Cambodge et installés au Vietnam, alors que nous sommes là et occupons ces terres depuis longtemps, avant même les Vietnamiens. Les Khmers du Kampuchea krom sont des autochtones ! Il ne faut pas oublier que 21 provinces dans le Vietnam du Sud appartenaient en fait au territoire khmer ! Mais la France, en 1949, a cédé notre territoire au Vietnam, au lieu de le rendre au Cambodge. C'est à partir de ce moment que nous avons été persécutés, parce que le Vietnam a une culture très différente de la nôtre, des pratiques religieuses différentes... Nous avons beaucoup de mal à vivre avec les Vietnamiens.
K7 : Les manifestants réunis aujourd'hui vivent en Europe, en Amérique du Nord, en Australie, en Nouvelle-Zélande... D'où proviennent les informations dont vous faites état concernant des persécutions et violations des droits de l'Homme à l'encontre des Khmers du Kampuchea krom ?
VT : Nos correspondants, des compatriotes qui vivent là-bas [dans le delta du Mékong - NDLR], nous communiquent des informations. C'est grâce à cela que le Vietnam ose moins faire de mal contre nous, maintenant. Il a signé des conventions internationales pour respecter les droits de l'Homme, mais d'abord pour obtenir de l'argent des pays donateurs... Jusqu'en 2001, le gouvernement du Vietnam ne se préoccupait pas du tout du sort des Khmers kroms. Mais la communauté des Khmers kroms dans le monde a demandé à la communauté internationale de réagir et d'aider ces populations pauvres.
K7 : En manifestant sur la place des Nations, vous espérez donc attirer l'attention des bailleurs de fonds du Vietnam ?
VT : Oui. Les gouvernements qui donnent des aides au Vietnam ainsi que les grandes institutions comme la Banque mondiale doivent faire pression sur le gouvernement de Hanoï. Nous poursuivons nos efforts dans ce sens. Le Parlement européen, par exemple, connaît bien désormais la situation. Les députés ont même voté à une très large majorité pour condamner les violations des droits de l'Homme au Vietnam.
K7 : Vous évoquiez l'époque durant laquelle le Kampuchea krom faisait officiellement partie du Cambodge. Cette référence historique est très présente sur les banderoles et les cartes brandies à l'occasion de cette manifestation. Cela signifie-t-il que vous espérez une réintégration de cette région au Cambodge ?
VT : Non, ce n'est pas le sujet aujourd'hui. Le Cambodge ne nous a jamais soutenu. Donc, nous voulons nous débrouiller par nous-mêmes. Le bonze khmer krom Tim Sakhorn, qui était tout de même le chef d'une pagode, s'était réfugié au Cambodge... Et le gouvernement cambodgien l'a défroqué et renvoyé au Vietnam, alors qu'il est totalement contraire à la Constitution cambodgienne d'extrader un compatriote ! Nous ne comptons pas sur le Cambodge. Nos concitoyens ne peuvent pas se réfugier au Cambodge sans craindre d'être renvoyés au Vietnam, à la police, dans les conditions que l'on imagine...
K7 : Seriez-vous prêt à revendiquer l'indépendance du Kampuchea krom ?
VT : C'est une question très importante. Mais il y a encore beaucoup de choses à faire avant d'y penser. Nous ne voulons pas trop nous avancer. Nos compatriotes sont pauvres et vivent pour la plupart à la campagne. Il faut les éduquer, améliorer leurs conditions de vie, faire en sorte qu'ils connaissent les droits de l'Homme, avant cela.
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